Soleils noirs
L’exposition Soleils noirs est prolongée jusqu’au 25 janvier 2021 !
Poétique et sensorielle, l’exposition offre une rencontre inédite avec des chefs-d’œuvre de l’Histoire de l’art. Près de 75 ans après l’exposition mythique Le Noir est une couleur, le visiteur du Louvre-Lens est plongé dans l’observation fascinante de cette tonalité au symbolisme pluriel dans les arts occidentaux, de l’antiquité à nos jours.
Couleur du paradoxe, le noir est-il une absence de lumière, un vide, une somme réjouissante de toutes les couleurs, un éblouissement ? D’emblée, l’exposition immerge le visiteur dans une expérience du noir familière grâce à une salle consacrée à l’un des phénomènes naturels du noir ayant le plus largement retenu l’attention des artistes : la nuit. Quand la nuit tombe, sublime, se lève une terrible beauté (Vernet, Deperthes), un monde sans limite paraît (Fontana).
Archétypal et physiologique, le noir forme un élément structurant mais ambigu de la représentation du sacré, à la fois couleur de tous les commencements, de l’infini, de l’intemporel mais aussi celle de la mort et de l’ignorance. La philosophie des Lumières, au 18e siècle, dans sa lutte pour le triomphe de la Raison et la fin de l’obscurantisme a paradoxalement amené un regain d’intérêt pour l’étrange, la folie mais aussi la magie qui contribuent à l’émergence d’un romantisme noir durant tout le siècle suivant.
La fin du 19e siècle voit le développement d’un imaginaire décadent qui associe satanisme, sensualité, péché et mort (Rops, Doré). Mais, le noir infernal et maléfique se double d’un versant bénéfique et vénérable. Cette dualité de la couleur apparaît comme une manière poétique de conjurer le noir par le noir.
Considéré comme couleur de la salissure et du péché par les sociétés occidentales, le noir va être associé à l’idée de pénitence et d’humilité jusque dans les habits et costumes. À partir du 16e siècle, le noir s’impose également dans la mode aristocratique dans toute l’Europe – sa teinture est un luxe coûteux. Le 19e siècle va confirmer son statut de l’élégance qui touche alors d’autres classes sociales (Carolus-Duran, Agache, Manet). Au 20e siècle, ce sont les plus grands créateurs de la haute couture qui vont à leur tour investir le noir.
À l’ère de la révolution industrielle, les sociétés occidentales connaissent des mutations sans précédent. Récolté dans les entrailles de la terre, le charbon en est l’un des symboles noirs : il marque les visages des « gueules noires » et façonne l’imaginaire collectif au point que les artistes convoquent, citent ou prélèvent le noir industriel dans des formes renouvelées d’œuvres d’art (Kounellis, Arman, César, Venet).
Au 20e siècle, le noir devient une substance de la modernité, un vecteur de scission, de rupture. Il semble s’affranchir de sa dialectique originelle au point de devenir une substance esthétique réinventée, comme en témoignent la création de nouvelles techniques, de nouveaux pigments, d’outrenoirs (Reinhardt, Malévitch, Soulages).
Ce sujet universel permet de rendre palpable l’histoire des idées, des sciences, comme celle des formes au sein d’une exposition expérientielle et pédagogique. Inspirée du terril plat sur lequel repose le Louvre-Lens, l’exposition rend aussi hommage au passé minier dont les images sont dominées par le charbon et ses traces aux infinies nuances.