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Temporalité du geste rassemble des figures majeures de l’abstraction autour d’une même interrogation : que reste-t-il du geste, de la forme, du souffle créateur de l’artiste une fois le temps passé ? Plier, tordre, tamponner, superposer, perforer… autant d’actions qui révèlent une manière singulière d’aborder la peinture, conçue ici comme une archive sensible du temps. Ainsi, ce dialogue visuel réunit des œuvres qui sont l’accomplissement de recherches plastiques initiées entre les années 1960 et les années 1980.

Ces œuvres sont des reflets de la vie, où chaque témoignage parle du temps qui agit, qui efface, qui révèle. Elles nous rappellent que l’abstraction n’est pas complètement détachée du monde, mais en est le miroir profond où l’existence est exposée par l’intuition de l’artiste qui la rend tangible.

Dans cette exposition, le geste ne disparaît pas dans l’instant : il s’inscrit, se répète, se transforme. Chez Claude Viallat, la répétition devient une pratique visuelle où la mémoire prend forme. Ce dernier refuse la hiérarchie picturale entre la forme et le fond. Le motif organique, osselets, est appliqué à l’infini, mais toujours avec de légères variations pour devenir des empreintes de l’artiste qui s’ancre dans Sans titre (n°1bis), 1997. Chaque mutation est un repère du temps qui passe : du rapport au corps, au vivant jusqu’à l’usure de ses tampons. Chez Jorge Eielson et Simon Hantaï, le travail du support enregistre une temporalité intérieure par le processus plastique. La toile devient souvenir d’un geste passé. L’œuvre se révèle dans le dépliage ou le nœud.

Ici, la peinture s’efface pour laisser la forme surgir et ce qui en reste est l’accomplissement d’un acte silencieux, mais puissant.

« Il y a des œuvres qui font passer le temps, et d’autres qui expliquent le temps. »

 

André Malraux

Temporalité du Geste, 21 juin - 25 juillet 2025, ©Galerie A&R Fleury, Paris

Olivier Debré, Hans Hartung ou Mao Lizi prolongent la tension entre spontanéité et contrôle du geste, laissant les camaïeux de couleurs capturer l’instant qui passe ou qui se suspend. Ce sont des œuvres où les heures ne fuient pas, mais semblent ralenties, retenues dans la densité de la peinture. Les paysages mentaux qui s’y dessinent, faits de silence et de rythme, permettent à l’inspiration de l’artiste de s’inscrire durablement sur la toile.

Dans les années 1980, Hartung produit des œuvres d’une force gestuelle inédite, en utilisant des outils non conventionnels : pulvérisateurs, balais, branches… Ses toiles, comme T-1988 E-41, 1988, deviennent des surfaces de combat, traversées de jets, et d’écoulements. Ces œuvres sont le fruit d’un corps fragilisé, mais intensément actif, où chaque geste crée un témoignage vibrant de la lutte de l’artiste contre le temps. La spontanéité rencontre le contrôle absolu dans l’espace et le rythme, comme dans les œuvres de Mao Lizi. Sa peinture, elle, s’inscrit dans une temporalité lente, presque méditative, mais persistante. Dans sa série des fleurs ambigües, l’artiste convoque un souvenir lointain, celui d’un mouvement contenu, effleuré, qui semble émerger à la surface comme un souvenir délicat des calligraphies de son pays natal. Ses fleurs ne sont ni représentées ni suggérées : elles apparaissent.

Ni motif ni forme, mais vestige de la respiration intérieure de l’artiste, la toile devient donc un espace de contemplation où l’écho du geste se prolonge dans le regard du spectateur.

« Œuvre d’art : un arrêt du temps. »

 

Pierre Bonnard

Pierre Soulages, Lucio Fontana ou Pablo Atchugarry donnent au geste une dimension presque cosmologique, où la lumière ou la faille sculptée évoquent ce que le temps enregistre dans la matière. Chez Fontana, les perforations ne détruisent pas, elles ouvrent des passages temporels vers un espace infini qui se cache au-delà du support. De son côté, Soulages construit son œuvre de manière délibérée dans laquelle le temps est contenu dans chaque tracé de peinture. C’est dans les années 1960 que l’artiste poursuit et radicalise sa recherche autour de la lumière et de la profondeur, en intensifiant le rôle de la matière picturale elle-même. Son geste calligraphique de cette période devient un outil de révélation dans Peinture 100×81 cm, 23 mai 1969. Ses œuvres sont traversées de lignes sombres et de masses noires épaisses qui créent une tension entre opacité et lumière.

Devant ces compositions, devenues espaces de recueillement, le spectateur peut se perdre et oublier toute notion de temps.

Temporalité du Geste, 21 juin - 25 juillet 2025, ©Galerie A&R Fleury, Paris

Oeuvres

Claude Viallat, Sans titre (n°1bis)

1997

Jorge Eduardo Eielson, Quipus 39-A

2000

Mao Lizi

Ambiguous flower, 2017
Huile sur toile
130 x 97 cm.

Hans Hartung, T1988-E41

1988

Lucio Fontana, Concetto spaziale

1966

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