Née à Lisbonne, la peintre Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) s’installe à Paris en 1928 pour devenir l’une des figures majeures de l’art d’après-guerre, l’une des rares artistes femmes à acquérir une renommée internationale dès les années 1950. Dans sa peinture, qualifiée de « paysagisme abstrait », Vieira concentre son attention et sa pratique sur la question de la perspective et la ville en est le sujet central.
Vieira observe et contemple le monde, le déconstruit et le recrée dans l’univers intime et silencieux de son atelier en convoquant le souvenir des rues, des intérieurs clos, des lieux de spectacles, des bibliothèques, autant de sensations gardées en mémoire qui deviennent des lignes et des plans fragmentés par un processus d’abstraction de l’espace. Naît ainsi sur ses toiles un monde poétique fait de compositions complexes obéissant à ses lois personnelles de la perspective pour mieux jouer avec le regard du spectateur et composer des paysages mentaux brouillant la frontière entre abstraction et figuration.
Avec une infinie méticulosité, la peintre construit avec un rare souci du détail ses tableaux à partir d’un principe de composition adopté dès le milieu des années 1930, un réseau de lignes entrecroisées, de damiers et de trames où la couleur joue un rôle essentiel, le tout créant une spatialité ambiguë. L’œil mobile parcourt l’œuvre, s’y perd comme dans un labyrinthe, et cherche à identifier des paysages en mobilisant sa propre mémoire. Ces surfaces évocatrices s’offrent à lui comme des espaces psychologiques, des possibilités de réflexion révélant toute la complexité du monde.
Un certain nombre d’influences ont enrichi la pratique de Vieira et lui ont permis d’élaborer sa manière unique de capter le réel de manière fragmentée : les avant-gardes découvertes à Paris, cubisme, abstraction géométrique et futurisme, les peintres de la Renaissance, découverts lors d’un voyage à Sienne à l’été 1928, qui la fascinent pour leur sens de la perspective ; Paul Cézanne, pour sa construction fragmentée de l’espace, Pierre Bonnard pour les angles de vue ; de son enfance enfin, les azulejos, ces carreaux de céramique multicolores typiques de l’architecture portugaise qui l’ont sans doute guidée très tôt vers la fragmentation de l’espace et la construction en réseaux.
Dès sa première exposition personnelle à la galerie Jeanne Bucher, en 1933, le public découvre sa peinture. Dès lors le rythme des expositions à travers le monde rester soutenu et ses œuvres ne tardent pas à intégrer les collection les plus prestigieuses, parmi lesquelles celles du Museum of Modern Art à New York, du Solomon R. Guggenheim museum à New York, de la Tate Modern à Londres, du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou à Paris et du Musée d’Art Moderne de Paris. En 1990, la Fondation Árpád Szenes – Vieira da Silva est créé à Lisbonne afin de diffuser l’oeuvre de l’artiste.
Vieira a reçu de nombreux prix, parmi lesquels le grand prix de peinture à la Biennale de São Paulo en 1961 et le Grand Prix national des Arts du gouvernement français en 1966 qu’elle est la première femme à recevoir. De hautes distinctions lui sont également décernées. Elle est faite commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en 1962 et chevalier de la Légion d’Honneur en 1979, la ville de Lisbonne lui remet la Médaille de la ville en 1988 et la Royal Academy de Londres la nomme Honorary member la même année.