Sans titre | 1955

La période 1950 de Vieira da Silva est marquée par une exploration minutieuse de l’espace et de la perspective. Dans ses peintures d’intérieurs et de paysages urbains, ses œuvres entremêlent habilement des motifs géométriques, des harmonies de couleurs raffinées et des coups de pinceau attrayants, créant ainsi d’envoûtants labyrinthes de lignes et de formes. 

Vieira da Silva capture l’essence des espaces, transformés en des compositions abstraites d’éléments architecturaux. Ses peintures représentent souvent des bibliothèques, des théâtres et des gratte-ciels, où les rangées d’étagères, les colonnes et les fenêtres deviennent les éléments constitutifs d’une véritable symphonie visuelle qui lui est très personnelle.

L’évolution d’une composition horizontale à la verticalité d’une série de tableaux de villes dans les années 50 coïncide avec les premiers voyages de Vieira Da Silva à New York. En 1946 sa première exposition personnelle chez Jeanne Bucher est suivie de l’exposition « The New Decade: 22 European Painters » au MoMA en 1955 où le tableau La ville, 1950-51 fût présenté.

La ville qui a inspiré les plus grands maîtres de l’abstraction, comme Piet Mondrian, a sûrement marqué l’esprit de Vieira Da Silva. Ville cosmopolite, où les immeubles démesurés sont disposés en quadrillage, le damier de Manhattan rentre parfaitement dans le lexique visuel de l’artiste qui y ajoute son lyrisme.

Sans titre, 1955 reflète l’énergie palpitante et dynamique de la vie urbaine. À travers une abstraction fervente et structurée, Vieira Da Silva réussit à capturer parfaitement les sons, le mouvement et la cadence rythmique de cette ville qui ne dort jamais : les fameux taxis jaunes qui vadrouillent les grandes avenues, les lumières des feux de circulation, les panneaux publicitaires et le grouillement des habitants qui se déversent sur les trottoirs se traduisent chez l’artiste par des coups de pinceau vifs et assurés.

C’est cette expérience humaine, celle d’habiter et de naviguer les systèmes complexes d’une grande ville, que Vieira Da Silva réussit à évoquer chez le spectateur qui ne peut s’empêcher d’imaginer ce spectacle incroyable. L’usage stratégique des couleurs primaires éclatantes et ardentes dans le registre inférieur de la toile contraste avec la puissance silencieuse et majestueuse des gratte-ciels dominant le reste de la composition.  

Vieira Da Silva nous offre un aperçu de ce sentiment intangible et vivace, d’être complètement englouti par les gratte-ciels imposants. Ces structures métalliques s’élèvent vers le ciel et dépassent le cadre, transmettant ainsi un sentiment de verticalité et de hauteur inatteignable. Signature de l’artiste, un réseau de traits et d’aplats, subtilement alignés, crée le point de fuite qui centre la toile et guide l’œil du spectateur. 

Les paysages abstraits de Vieira Da Silva ne sont pas simplement des représentations décoratives ou pittoresques d’environnements et d’intérieurs. Ses œuvres sont des méditations profondes et des véritables symphonies qui provoquent notre imaginaire et éveillent tous nos sens. 

À propos de l’artiste

Née à Lisbonne, la peintre Maria Helena Vieira Da Silva (1908-1992) s’installe à Paris en 1928 pour devenir l’une des figures majeures de l’art d’après-guerre, l’une des rares artistes femmes à acquérir une renommée internationale dès les années 1950. Dans sa peinture, qualifiée de « paysagisme abstrait », Vieira concentre son attention et sa pratique sur la question de la perspective et la ville en est le sujet central.

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