Célébré pour sa méthode de pliage qu’il emploie comme procédé pictural à partir de 1960, Simon Hantaï atteste d’un parcours qui a ouvert la voie à de profonds renouvellements artistiques, guidé par des recherches plastiques qui permettent d’entrevoir une nouvelle manière de penser la peinture. En six décennies, depuis ses débuts dans le Paris d’après-guerre, son art connaît plusieurs périodes de transformation importantes qui illustrent l’esprit de recherche du peintre.
Né Simon Handl à Bia en 1922, Simon Hantaï suit une formation à l’école des Beaux-Arts de Budapest où il obtient au printemps 1948 une bourse d’études qui lui permet de venir séjourner une année à Paris. À la faveur d’un changement de régime en Hongrie, Simon Hantaï et son épouse Zsuzsa décident de s’installer définitivement dans la Ville Lumière, après un grand voyage en Italie où ils découvrent ensemble les chefs d’œuvre de l’art italien, dont le mausolée de Galla Placidia à Ravenne.
À Paris, il fréquente les artistes hongrois, comme lui en exil, et se rapproche du mouvement surréaliste. André Breton, notamment, écrit la préface du catalogue de sa première exposition à la galerie L’Étoile Scellée en 1953. Frappé par la découverte de Georges Mathieu, mais surtout de Jackson Pollock, l’artiste rompt avec le mouvement surréaliste en 1955, délaisse la figuration et oriente sa pratique vers une plus grande gestualité. Il réalise alors des toiles de grands formats, dont Sexe-Prime. Hommage à Jean-Pierre Brisset en 1956, présentée lors de sa seconde exposition, à la galerie Kleber.
L’année 1960 marque un tournant décisif pour la suite du parcours de Simon Hantaï, qui amorce ses recherches sur le pliage. Utilisé comme procédé pictural, il lui permet de renouveler sa manière de peindre entièrement et assoit sa singularité. De ce geste précurseur naissent plusieurs séries, qui chacune correspond à un nouveau système de pliage : les Mariales (1960-1962), les Catamurons (1963-1965) les Panses (1964-1967), les Meuns (1967-1968), les Études (1968-1971), les Aquarelles (1971), les Blancs (1973-1974) et enfin les Tabulas (1973-1982). Cette dernière série clôt l’année où il représente la France à la Biennale de Venise, au moment où il choisit de se retirer de la scène artistique.
À travers cette technique, Simon Hantaï libère la toile de son châssis pour mieux laisser agir l’intelligence de sa main et renonce aux « privilèges du talent ». Sous ses doigts, la toile pliée, nouée, froissée, déformée, devient une matière vivante autant qu’une surface à peindre. À l’aveugle, Simon Hantaï applique la peinture, laissant une grande place à l’imprévisible ; ce n’est qu’une fois « libérée », retendue, que le miracle du hasard se produit. À ce moment seulement, l’artiste découvre l’œuvre créée : le dépliage, comme une révélation, dévoile le motif de contrastes chromatiques entre les zones réservées, pliées, et les surfaces couvertes de peinture.
Inspiré par Matisse, notamment les Nus Bleus, Simon Hantaï inscrit son exploration du pliage dans la continuité de ces gouaches découpées. Chez lui toutefois, c’est le pliage qui se fait ciseaux. À travers sa technique, le peintre met en lumière la respiration de l’espace blanc, laissé vierge de peinture. C’est à ces réserves non-peintes qu’incombe la pleine structuration de l’espace qui, dialoguant avec la couleur, insuffle à l’œuvre dans son ensemble une forte dimension spirituelle.
Devenu citoyen français en 1966, Simon Hantaï bénéficie en 1976 d’une grande rétrospective au Centre Pompidou, puis d’une seconde en 2013. En 2022, la Fondation Louis Vuitton lui consacre une rétrospective à l’occasion du centenaire de sa naissance. Ses œuvres sont exposées dans une quarantaine de collections publiques à travers le monde dont celles du Centre Pompidou à Paris, du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du Musée du Vatican à Rome, du Museum of Modern Art et du Solomon R. Guggenheim Museum à New York.